Racine de U

 

Première exposition en solo de Oussema Troudi.

Kanvas Art Gallery, Novembre 2009.

 

L'expo présente quatre séries de travaux dont "Duos", à laquelle ont participé les artistes Haithem Jemaïel, Ymen Berhouma et Wissem Hmida.

 

Que soient remerciés aussi pour leurs textes Hayet Tlili, Saloua Mestiri, Selima Karoui, Amor Ghedamsi, Alia Nakhli et Nadia Zouari.

 


Terrestres et musicales

Duos

Dédoublements - Carthage

Des dessins d'éléphants au fusain sur papier Ingres sont découpés en bandes verticales de 1 cm de largeur. Celles-ci sont numérotées. Pour chaque dessin, toutes les bandes paires sont prélevées et collées sur un autre support de même dimensions en respectant les intervalles initiaux. L’œil comble les vides et reconnait la forme dans chaque "moitié" de dessin. Chaque dessin se trouve alors dédoublé.

Réserves

   Le support est posé à l'horizontale. Des bouts de pastels et de fusains à moitié broyés sont pressés sous la paume de la main et malmenés sur le support. Traces de doigts et de pastels se mêlent, souillant la totalité de la surface. Une couche de fixatif en aérosol est passée uniformément sur le dessin. Une fois sec, une partie du dessin est préservée, l'autre partie subit un gommage systématique qui récupère tout ce que le fixatif n'a pas réussi à fixer.


Entrevision comme dédoublement multiple et silencieux

Hayet Tlili

universitaire

  

  Il y a un risque à vouloir refaire l'itinéraire de la forme, celui d'une perte de certains lieux, rendus autrefois habitables. La trouvaille du désir comme celle de dessiner un énoncé, de configurer des généalogies ou de trouver des signes pour une sensation de pensée, c'est cette trouvaille qui inaugure le chantier de l'inhabituel.

Il n'est pas aisé aujourd'hui d'inventer de nouvelles figures pour de nouveaux "plateaux", car alors, à chaque nouveau paysage, on peut se trouver confronté(s) à l'absence de toute marque de l'itérable. Mais voilà que ces dessins ont su aller vers la découverte de nouveaux "plateaux" et mettre en place des marques datives de la mesure qui se veut et s'invente arithmétique et grammaticale. Dessiner n'est pas tant être dessinateur, c'est devenir, par le dessin, dessinateur.  Devenir dessinateur c'est, peut-être, conduire lentement une itération amoureuse, jusqu'à ouvrir une béance visuelle à l'intérieur du cadre, pour qu'une nouvelle parole soit donnée à ce qui n'a pas droit à la littérature  : les dessins de Oussema Troudi.

 

   Dessiner un éléphant jusqu'à le devenir.  Ainsi la musique de Mozart, elle n'illustre pas un paysage traversé par le chant des oiseaux, c'est la musique qui devient chant d'oiseaux. Démultiplier l'entité première, démultiplier le portrait de l'éléphant, donner à la présence-graphique-animale une multiplicité non minoritaire et non fragmentaire, travailler la métamorphose jusqu'à l'heccéité, c'est un peu, faire de l'espace investi un herbier. Par des colonnes arithmétiques, par un dispositif géométrique, le dédoublement crée une genèse étonnante qui ouvre et cadre des terres inconnues, innomées et sans doute innommables,  des terres qui se présentent en termes cryptiques.

 

   Les dessins et les dessins-peintures de Oussema soumettent le regard à une forme du voir qui tente de se reconnaître et de se poser dans une esthétique, et le regard s'insinue entre apercevoir et voir, il vibre dans une nouvelle nécessité : se trouver dans l'expérience d'une manière de reconnaître l'entrevision.  L'implication du topoï d'un double désir et d'un double geste termino-graphique.  Le gros plan comme limite du dévoilement, le découpage-reconfiguration comme conjugaison du continu-discontinu affirment l'ancrage de l'ensemble de l'exposition dans le désir d'amener vers la littérature ce qui en était dialectiquement écarté.

 

   Les dessins re-disposent des hétérogénéités dans un ordre de montage qui fait suite à une suite de cadrages et nous remet dans la nostalgie des correspondances selon Baudelaire, des affinités selon Gœthe, des pointes ontologiques selon Batailles, et peut-être de certaines poésie comme lieux de contiguïtés catastrophiques.  Le cadrage fait que les formes prennent figure, certaines affrontent le regard, d'autres composent de multiples chorégraphies des conflits.

 

Racine de U, la provenance met à distance mais enregistre la généalogie moléculaire d'une pensée du visuel

 


Un monde en différé

Saloua Mestiri

 

Je ne sais pas si ce que je m’apprête à mettre en mots fait encore partie des dessins/peintures de l’exposition de Oussema Troudi ou si, ayant emprunté la voie qu’il a tracée, je n’ai pas bifurqué en tissant un monde en différé que les traces colorés de ses gestes ont pourtant engagé.

Les images en lettres qui se bousculent sur les touches de mon PC puis sur l’écran, c’est du voyage dans la visibilité de « Racine de U » qu’ils proviennent, une série de toiles / pré-texte à ce texte.

C’est un déploiement de surfaces ou vient loger une Racine de U, ou rêver à chercher racine un U, un énigmatique U, son énigmatique U car il reste sien, foncièrement sien… Tenter de pénétrer cet espace d’origine mathématique ou autre, serait certainement vain !

Faire par contre le choix d’appréhender l’espace à partir de ce qu’il étale plastiquement relève du plausible ou du «raisonnable» sans omettre de penser que c’est au cœur du dés-raisonnable que celui-ci vient souvent loger.

Les mots que je discipline remontent du bruit et du silence qui se déploient dans une écriture peinture lisse mais cryptée ou trônent essentiellement, la ligne et la couleur dans une série de toiles ou un espace souvent en double se fait face.

Dans ces lieux en duplicata, multipliés par deux, multipliés à l’infini, c’est d’un espace assagi qu’il s’agit : celui d’une opposition annihilée par le silence.

Un espace de complétude. Complétude, le terme est d’appartenance mathématique et il peut faire écho à la Racine de U. Or un objet mathématique qui est dit complet signifie surtout que rien ne peut lui être ajouté.

L’espace exposé accueillant les dualités, annulant leurs contrastes et les antagonismes par leur juxtaposition continue peut-il se revendiquer comme tel? Mais rien dans les espaces esthétiques ou tout est premier n’est simple, n’est primaire ! Et je ne peux loger les toiles qui me font face, dans des espaces à connotation classique dont ils s’écartent.

Tantôt encadrés, les lieux de la vacance sont enfermés, tracés, limités, découpés, rétrécis soigneusement tissés, puis ailleurs, évidés, élargis, multipliés, envolés, libérés…

Ils se déplient dans des blancs, dans des blancs gris, des blancs bleus, des blancs rouges, des blancs blancs, des blancs en biais, des blancs imparfaits… des blancs au banc de toutes les valeurs ! Des blancs au timbre éloquent !

Découpures, fêlures, rainures : c’est à chaque fois, un fil à plomb qui s’équilibre dans des intervalles différents qui chantent en mesure, ou tout est pondération, ou tout est ordre…

Ordre. Le mot est lancé. Ces espaces peintures/dessins sont un espace d’ordre même s’ils accueillent en eux le désordre.

Que l’animal charge et nous fonce au visage, face au minuscule qui se terre, que des taches noires ou des bris de gris ivoires nous volent à la face, que des pans de rouge nous éclaboussent, que des jaillissements en droites inondent la rive gauche, que des traces en courbes balayent la page, que le dessin griffe la toile, la violence reste à chaque fois à la marge.

Car tout dans ces toiles poursuit un même fil d’Ariane. Le voyage est à chaque fois recadré, encadré, soigneusement installé, ajusté.

Tout paradoxalement se situe dans la retenue. Rien ne bouge, le bruit se muant en silence.

Un silence qui se trame dans un horizon qui se tisse dans une cacophonie. Séparés, les fils de chaine et les fils de trame troublent par leurs stries parfaites et glissent inéluctablement dans des toiles flanquées dans leurs dédales, d’une poésie en biais…


A la recherche de l’Éléphant…

 Selima Karoui

artiste visuelle et universitaire

 

   Une série prénommée Carthage, ensemble de mammifères érigés et corpulents d’histoire. Dignes, colossaux et fières du secret mémoriel qu’ils portent en leur sein. Encore un T, vers lequel Oussema Troudi pointe sa cible. Ici T-erritoire de l’archéologie tunisienne et son conflit punique. Fiefs pour le souvenir, d’un avenir porteur, porté par une icône diachronique : Hannibal Barca, et ses compagnons éléphantidés. 37, il en avait autant sous ses rangs pour servir de remparts aux ennemis, et faire reculer les adversaires dans ses périlleuses traversées.

 

   Si le nombre n’est pas le même pour Oussema Troudi, ses éléphants s’érigent néanmoins telle une armée contre l’oubli. Détails de l’histoire carthaginoise, ils deviennent ici symbole et métaphore plastique d’une disparition ponctuée par des réapparitions séquentielles. Une série d’éléphants, marche de couples qui se projettent l’un dans l’autre ; ils existent entre absence et présence. Plus les lignes verticales s’imposent dans le vide laissé par les empreintes des parties découpées, tantôt désemplies, tantôt ressuscitées par le dessin réapparu, plus l’animal acquiert une raison d’être, ultime condition pour son devenir.

 

   Un jeu de tracé poussé jusqu’au bout du « graff », comme une griffe qui s’installe sur le support, pour raconter les noirs et les gris dans un entrelacs linéaire et embué. Chacune des striures obtenues, nous renvoie aux dispositions parallèles qui rythment nos synchronies autobiographiques. Rattachées, attachées, pieds et poings liés à notre inconscient, ces synchronies sont nos correspondances d’espace et de temps, transfigurées en devoir de mémoire à travers les éléphants d’Oussema Troudi.

 

   Fort singuliers, ils gardent dans leurs effacements progressifs la même force expressive. Á l’égal d’un Hannibal, stratège aiguisé, qui s’annonce là où il ne viendra pas, et qui se profile furtivement sur des terrains restés inexplorés, l’artiste décline ses disparitions graphiques pour gagner en terrain d’expression. Ses dessins ont cette particularité de nous faire doublement vivre une omniprésence, à travers les limites mêmes de son chaos. Les « éléphants » se font allégoriques, ils se mutent en représentation d’une terre lointaine. Tels des inscriptions rupestres, ils puisent leur essence dans leur passé.

 

   N’est-ce-pas ce même Hannibal que l’on découvre, en 1977, avoir sillonné les Baronnies en France, grâce à un dessin d'art pariétal gaulois représentant un éléphant ? Sur les parois d'une grotte du Toulourenc, découvert par un groupe spéléologique et des spécialistes archéologues, l’on a assisté au témoignage indiscutable du passage de l'armée carthaginoise dans les Baronnies, en 218 avant notre ère. Grâce à ces dessins d'éléphants sur les parois de cette grotte, qui s'ouvre au niveau du lit de la rivière. Seuls de leur espèce ainsi figuré en France, ces éléphants sont peints dans une grotte contre de nombreux mammouths dont dix millénaires les séparent.

 

   Apparaît alors, peint en noir sur les parois de la caverne oblitérée par des coulées de calcite, un éléphant. Représenté en contour sobre, il est tourné vers l'entrée. L'oreille figurée est celle d'une espèce venue d'Afrique. L'œil est dessiné par un angle dont l'ouverture est dirigée vers le bas. L'extrémité de la trompe est enroulée et les défenses ne sont pas représentées. Attestation irréfutable que l'éléphant peint du Toulourenc ne peut être qu'un éléphant d'Hannibal, et ressemble étrangement à la série « Carthage » d’Oussema Troudi. Qui a dit que les éléphants ont une mémoire…

 

   Bref récit des grottes du Toulourenc, rivière à caractère torrentiel. D’ailleurs, « Barca » nom de Hannibal, ne signifie-t-il pas « foudre » ? Exactement comme cette rage des profondes gorges du Toulourenc qui peut faire violemment jaillir sa source essentielle. Et dont le nom en provençal veut dire « tout ou rien » (« toul » ou « renc »).

 

   Le « rien » du reste qui reste, qui est là dans sa non présence, quintessence même de l’absence. Et qui finit par prendre forme dans l’ultime planche de la série, l’Arbre éléphant, qui nous dévoile non plus un effacement, mais un témoin de l’effacement.

 

   C’est comme si Oussema, en découpant continuellement ces fragments d’histoire, à partir de cet éléphant qui les représente, pour les recoller dans un ailleurs d’abord vierge et immaculé, finit par transgresser son contenant et ses contenus.

 

   Avec l’empreinte faciale de la bête, un logis du souvenir s’installe dans l’œuvre, pour finalement exalter les séries précédentes, dans un paroxysme de la mémoire.

 

   Chemins pour examiner de plus près les logogriphes de la trace, de l’effacement et de la réserve, obstinément présents dans l’œuvre éléphantesque d’Oussema Troudi.

 

   Nous faisant immédiatement percevoir que même dans un réseau de lignes flouées et volées au temps, une fable peut s’esquisser. D’individuelle, elle devient collective. Et nous permet, subrepticement, bourlingages et pérégrinations dans un univers habité par un engagement et un devoir de dire. Il puise dans l’originel, pour germer et fermenter sur l’asphalte contemporaine.


 

ذاكرة الماء

 

عمر الغدامسي

فنـّان تشـكيـلي و كـــاتب

 


     ذاكرة... تمدّد

 

من باب اللـّعنة أن يمتلك الإنسان ذاكرة فيل، والـتي توازي ذاكرة طوبوغرافـيـّة اسـتـثـنائـيّـة على امتداد قرن من الزّمن. غير أنـّه وبالرّجوع إلى خزّان الـفوبـيا ومشـتـقـّاتها حامـية الوطيـس، باسم الذاكرة والحـفظ والتـّراث والحـنـيـن والسـّلف الصّالح والأصول، فإنـّه علـيـنا التـّسـليم، بأنّ وعـيـنا الجمعيّ هو أقـرب إلى ذاكـرة الفـيلـة، هو ذاكرة تـتـمدّد في الـمكـان دون سواه. تـتـناسـخ.. تـتجزّأ في توالـد و تـتـقـطـّع بـمشـرط دقـيـق، تـماما كـما تـتـرآى في لوحــات أسـامـة الـطـّرودي.

 

فـي تلـك المـسافـات من البـيـاض المتـكـرّر، كأشـرطـة عموديّة تـخـتـرق بورتـريـهـات الـفـيـلـة، حـيـث مركز ذاكـرتـها، يـتـرآى لـي النـّسـيـان بـمـيـزانـه الإنـسـانـيّ، و لـيـس الـبـيـولـوجيّ و الـذي يـوافـق انـعـدام الــذاكـرة، كـما هـو الـحـال في عـالـم أسـمـاك الأكـواريــوم و الـتـي رسـمـها لـنا أيـضـا أسـامـة الــطـّرودي.

لـطالـما اعـتـبـر الـنــّســيان في الــنـّصّ الـقـرآنـيّ دسّــا من الـشـّيـطـان حـيـث نـقـرأ مـثـلا فـي سـورة طـه : " ... قـال ربّ لــم حـشـرتـني أعـمى و قـد كـنـت بـصـيـرا، قـال كـذلـك أتــتـك آيـاتــنا فـنـسـيـتـها و كـذلـك الـيـوم تـنـسى. "

­- مـتى و كـيـف نـتـذكـّر... مـتى و كـيـف نـنـسـى ؟

"قد يـتمكـّن المـرء من العـيـش دون أن يـتـذكـّر كـالـحـيـوان و لـكـن من المـسـتحـيل عـليـه أن يـعـيـش دون أن يــنـسـى"

 ذلـك ما تــقـوله الـرّؤيـة النـيـتـشـاويـّــة.

"صراع الإنـسـان ضـدّ السـّلـطـة هـو بـالـدّرجـة الأولـى صـراع ضـد ّالـنـّسـيـــان "

ذلك مـا قـالـه مـيــلان كـونــديــرا فـي الـكـائـن الـذي لا تـحـتـمـل خـفّـتـه.

تـرى هـل يـمـكـنـني أن أتـمـاهـى مع ذاكـرة الـمـاء...؟ عـناقـيـد كـريـسـتـالـيــّة تـخـتـزن حـكـمة الـطــّبـيـعـة و تـسري في شـرايـيـن الـكـون  فـي بـعـثـه الأبــديّ، تـلـك الـذاكـرة الـّـتي تـرتـوي فـيــها الـــجـذور بـالـغـيــوم.

 

الـبـاب الـخـاطــئ

 

فـي لـوحـاتـه يــبـدو أسـامة الـطـّرودي، و كـأنـّه يـنـثـر من حـولـنا شـبـاك صـيـد هي أقــرب إلى الـبـاب الخـاطـئ. تـوهــمـنا بـأنــّــنا بــصــدد الـتــّورّط فـي إحـالات تـاريـخـيــّة... جــلـد ثـور عـلـيـســة و فــيـلـة حـنـّبعــل فـي صـقـيـع جـبال الآلــب.

وفـق بـول ريـكـور، فإنــّه من الأسوإ أن نـجـعـل  من الــذاكـرة مادّة للـتـاريـخ و لـيـس قـالـبا لـه. أي تـتـحـوّل الـشـّهـادة مـن وثـيـقـة إلى قـصّة يـتـغـيـّر مـعـطـاها حـسـب الـصّـياغـة الأدبـيّـة.

لـقـد كـتـب بـول ريـكـور هـذه الـفـقـرة ضـمن نـصّ عـنوانـه "الـمؤرّخـون يـخوضـون معـركـة الحـقـيـقـة و يـنـتـجـون شـهـادات مـكـتـوبــة."

إنّ تـلـك الـحـدود الشـّاسـعـة و الـفـاصـلـة بـيـن الـتــّأريـخ و الـرّوايـة و الـقـّصّة، هي نـفـسـها الـحـدود الـفاصـلـة أيـضا بـيـن الـتــّـأريـخ و الـفـنّ  و الـرّوايـة و الـفــنّ.

أرض الـفـنـّان قـماشـتــه. ذلـك ما هـو كامـن فـي رؤيـة أسـامـة الـطـّرودي.

- أيـّتـها الآلهة تانـيـت، اجـعلي ذهــني في دقـّـة ذلك المـشـرط الـّذي قـطـعـت به عـلـيـسـة جـلـد الثـّور، لـتكـون قـماشـاتي بـتـضـاريـس و شـطـــآن رحــــبــة.

- أيـّتـها الآلــهـة تـانـيـت، اجـعـلي مـخـيـّلـتي جـسـورة و جـريـئـة و طـلـيقـة شـجاعـة كقـلب حـنـّبعـل الخـافــق فـي صـقـيـع جــبـال الآلـــب.

ذلـك ما يـبـدو عـليـه أســامة الـطـّـرودي فـي لـوحـاتـه الـمخـلـّة تـمـاما بـذلـك الـتـّـقـسـيـم المـدرسـيّ المـحـنـّط، حـول الـرّسـم الـهـنـدسـيّ و الـرّسم الـحـركـيّ، الـرّسـم الـذهــنيّ و الآخـر العـفـويّ، فالأمر بالنـّسـبـة إلـيـه لا يـكـمـن فـي اخـتـيـار هـذا الأسـلوب أو ذاك، بـل في كـيفـيـّة الـجمـع بـيـنهـما ضـمن تـألـيـف لا يـقـوم عـلى الـتــّوازن فـقـط بـوصـفـه مـعـطـى تـقـنـيــّا، بـل و على الانـصـهار.

إنّ مـا يـبـدو في الـعـادة دقـيـقا و حـسـابـيـّا و ذهـنيـّا و مـدروســا، هو في لـوحات أســامة الـطـّـرودي أقـرب إلى الانـفـلات المـعـبـّر عن الجــرأة و الـــفـردانـيــّة.

هكذا تـتــرآى لي تـلـك الـخـطـوط الـمسـطـّرة بـدقـّــة و هـي تـنـهـمـر أو تـخـتـرق أرض القـمـاشـة المــحروثـة بمسـمّ الـعـفـويّ أو الـحـركيّ.

 

أرض الفـنـّان... جـسـد الـيـوطـوبـيا

 

غـالـبا ما تـجـلـّت رؤيـة المـسـتـقـبـل الإنـسـانـيّ، و كـأنـّه إقـامـة خـارج حـدود اليــقــظـة، حـيـث لا مـكـان لـلأحـلام أو الـكـوابـيـس دون سـواهـما.

... "لا آلـهة و لا أسـيـاد" أو "الأخ الأكـبـر". يـوطـوبـيا أو ديـسـتـوبـيا.

إلام يـرجـع هذا الألــق و الجـمال و البـهـاء الخـاصّ باليـوطـوبـيا ؟ يـسـأل مـيـشـال فـوكـو في مـحاضرة ألـقـاها حـول الـجـسـد عـنـد بـروسـت، مـعـتـبـرا أنّ الـجـسـد هـو أصـل كـلّ اليــوطـوبـيـات: "إنّ الجـسـد هـو الـنـّقـطـة الصّـفـر للـعالـم. إنه ملـتـقى الطـّرق و الأفـضـيـة. إنـّه لا يـوجـد إلا ّ فـي قـلـب العـالـم. هذا المـحور اليـوطـوبيّ الصّغـيـر الـذي أسـتـطـيع من خـلالـه أن أحـلم و أن أتـكلـّم و أن أتـقـدّم و أن أتـخيـّل و أن أتصوّر الأشـيـاء في مـكانـها... و أن أنـكـر وجـودها أيـضا، و ذلك بقـوّة الـيـوطـوبـيا اللامـتـناهـية الـّتي أتـخـيـّلـها.

إنّ جـسـدي يـشـبـه مديـنـة الـشـّمـس أي لا مـكـان لـه، و لـكن مـنـه فـقـط تـسـطـع كـل الأمـكـنـة المـمكـنـة، حـقـيـقيــّة كانـت أم طـوبـاويـّة "

ذلك هـو أيــضا جـسـد أســـامة الـطـرودي أمـام بــيــاض القــمــاشــة و قــد بــدت أمــامــه كـــأرض بور... و مـسـتـودع طـوبـاويـاته  \جـسـده في حركاتـه و سـكــناتــه، ذهـنـه و روحه... أرض يـسـتـضـيـف فـيـها أحـيـانا أصــدقـاءه من الـفنـّانــيـن ضـمن لعـبـة من الإيـهـام الرّمـزي المـتـبـادل بالمشـاركة و الامـتـلاك، غير أنّ أرض اللــّوحة  - و كأنـّها سـليـلـة ذاكـرة المـاء - على سطـحـها تـطفـو أصـوات من سـبحـوا فيـها.

 


Vue et appréciée     

Alia Nakhli

Journal La Presse, le 01-12-2009.

 

 

   Racine carrée de U, c’est l’intitulé énigmatique de l’exposition d’Oussema Troudi qui se veut un jeu de mot pour suggérer le terme «vu». Mais, contrairement au titre, les œuvres du peintre nous ont parlé, interpellé, séduit même.   

 

   Une trentaine d’œuvres en tout entre peinture et dessin, petit et grand format, allant du figuratif à l’abstrait. Les titres évocateurs, cette fois-ci, renvoient à la musique (Concerto, Préludes), à l’Histoire (la série de Carthage) et à la peinture de l’artiste (Effilure, Effrangement)

 

   C’est que ces titres nous renseignent de façon éloquente sur la démarche de Troudi. Influencé et nourri par la musique, l’artiste dresse une équivalence entre peinture et musique. Équivalence érigée en tradition, depuis les artistes romantiques jusqu’à nos jours. Nous citerons volontiers Jackson Pollock, puisque la manière de Troudi s’en inspire aussi, dans ces lacis de lignes entremêlées, ces gouttes, ces coulures qui renvoient à la technique du «dripping» et à «l’action painting».

 

   Diptyques, triptyques et polyptyques imposants, à dominante noir et blanc, rouge pour Concerto, montrent la vigueur du coup de brosse et la fougue du trait de l’artiste, qui le situent dans la lignée de Pierre Soulages, Henri Michaux, Franz Kline et autres. Ces derniers, ainsi que leurs adeptes, se sont inspirés de la calligraphie orientale et japonaise bien qu’ils aient souvent nié ce rapprochement. Et nous retrouvons ces mêmes références dans la peinture d’Oussema Troudi.

 

   Les énergiques calligraphies de faisceaux de traits, tantôt fins, tantôt épais, les hachures, les fines lignes verticales formant presque une grille et ponctuant la plupart des œuvres, créent une variété de rythmes. Rythmes picturaux, voire poétiques qui se muent en musique, en mélodie, en Préludes.

 

   Souvent construites en registres superposés (Effilure I, Effilure II, Effilure III, Terre d’ombre), les toiles de Troudi privilégient ainsi le geste expressif, le travail sur différentes textures et nuances de couleurs. Les dessins, eux, ne manquent pas d’intérêt, les fusains, découpés-collés, sur papier représentant un éléphant (la série de Carthage), se rapprochent des toiles peintes par ce réseau de lignes verticales. Les pastels plus abstraits (la série de Réserve) sont parmi les plus intéressants. Cette exposition permet ainsi de mesurer le talent de ce jeune artiste. Voilà qui promet.

 


Entre apparition et disparition

Nadia Zouari

 Journal : Le Temps (Tunisie), le 4 Décembre 2009

 

Oussama Troudi décrit la recherche possible de l’impossible, de la suspension du temps et de son envol. Ses éléphants s’extorquent ainsi des sources de la géographie et de l’histoire, des hommes aux gestes sages d’Afrique à travers les Siècles.

 Évoquant un monde lointain et disparu, onirique et réaliste, le travail d’Oussama répand une poésie nostalgique qui, dans ce monde matérialiste du XXIème siècle, reste riche de sens.

 Cet artiste se surpasse dans la mise à jour d’émotions lointaines qu’il nous rend palpables instantanément. On partage ainsi la sérénité de ces lignes sages entre apparitions et disparitions qui s’agitent et se délient, comme une mer déchainée, saisies dans les éclaboussures des encres noires et de l’acrylique. C’est l’espace où des choses flottent, où elles ne subissent pas, où elles peuvent être emportées très loin. Elles commencent à voyager, à se mouvoir, à exprimer, dans leurs pérégrinations, des sentiments.

On cherche à percer le mystère des éléphants d’Hannibal qu’Oussama a fait siens et enfermés dans un monde improbable qui n’appartient qu’à lui.

 En explorant délicatement l’universalité de la condition aviaire avec Haïthem Jemaïel, et la condition humaine avec Ymen Berhouma, Oussama oriente son travail sur les lignes, trames de sa démarche,  et les éléphants d’Hannibal lesquels abondent en symbole et en majesté.

Il travaille sur la perception des choses et leur fragilité. Il y a certainement un paradoxe dans ces peintures réalisées dans la matière et nécessitant ces lignes répétitives, devenues prétextes à la composition. Elles sont très travaillées, habitées de leur ombre ou de leur double, de leur image ou de leur identité.

Sans qu’il s’enferme dans une vision figée, on commence à reconnaître le travail d’Oussema Troudi… qu’il sera possible de revoir ou de découvrir jusqu’au 12 décembre 2009.