Contact

 

Ils sont nombreux, mais ils ont cela de particulier qu’ils se ressemblent au point qu’il suffirait d’en décrire un. Ils ne se ressemblent pas seulement beaucoup, mais surtout de la même manière, la ressemblance aux autres étant un trait même du caractère de chacun. Je vais donc t’en décrire un.

Son nom n’a pas d’importance et en dépit des efforts de permanence, il n’en aura jamais. De loin, il se fond dans la masse des gens ou des choses. Immobile, tu ne le verrais presque pas, mais dès qu’il bouge, tu le repères immédiatement. Il assortit sa mode à l’affiche du moment. La démarche flottante, il aimerait passer pour un rêveur, alors il se pare de nuages et de bleu ciel, mais sous son air peu trompeur, il coule en lui-même, en permanence, comme une pierre dans un lac sans fond.

De près, en retenant ta respiration, tu vois briller ses yeux d’un reflet étrange, celui de tout ce qu’il n’a pas, une lumière qui s’affaiblit continuellement et que chaque clignement de paupières ravive un peu de nouveau. Entre deux sourires complaisants, il prend la posture d’écouter mais n’écoute pas, et s’il parle, il dit ce qui fait généralement plaisir. Il ne parle jamais sans rien dire d’utile, mais ne dit rien d’utile qu’on ne sache déjà, ou qu’un smartphone connecté ne puisse proposer automatiquement. Ses mains se touchent rarement, et quand cela arrive par inadvertance, il sursaute, comme surpris dans le noir par un contact étranger. Il préfère ainsi en garder une en permanence dans son sac ou sa poche, ou l’occupe, quand cela devient suspect, par un gobelet ou une cigarette, mais en général, il boit ou fume avec une maladresse telle qu’on croirait que la chose est portée à sa bouche par la main de quelqu’un d’autre.

De plus près encore, il disparaît de nouveau, comme disparaitrait un inconnu qu’on frôle dans un marché - tu verras qu’ils ne tiennent pas la proximité. Il s’en va donc. Tu le vois partir et cela ressemble étrangement à quand il vient. Il te laisse avec le sentiment d’avoir perdu ton temps, alors que tu respires de nouveau. Inutile de te dire ce que cela signifie si, par malheur, il lui plairait de rester.

Quand l’un de ceux-là part, mieux vaut donc ne pas regarder.