La deuxième cigarette

D’abord, tu réussis, ou quelqu’un te le dit, ça te tombe dessus un jour sans prévenir, les premiers mabrouk, les verres de jus. Tu ne les connais pas tous ces gens, et tu ne comprends pas les sourires ni pourquoi cela passe aussi vite.
Ensuite, tu te réveilles dans un louage, mieux habillé, mal assis, dévisageant le chauffeur dans le rétroviseur, cherchant à deviner s’il n’a plus aucun civisme ou s’il lui en reste assez, après avoir allumé cette cigarette, pour la jeter au cas où tu le lui demanderais gentiment. Et tu regardes cette enfant endormie à côté de toi dans les bras de sa mère muette, et le temps de maudire ignorance et pauvreté, le chauffeur expulse le mégot de la voiture, te laissant dans ta poitrine avec ta lâcheté et quelques pensées inutiles.
Enfin, tu débarques à ce colloque, tu serres la main à quelques chemises et robes blanches, tu passes un mouchoir sur tes joues pour t’assurer qu’elles n’ont pas chopé quelques maléfices cosmétiques. Et en attendant que quelqu’un dise ton nom pour t’introduire, tu découvres que ton micro n’est pas ajustable, et réalisant que tu ne pourras jamais tenir cet objet à la forme bizarre aussi gracieusement que vient de le faire la main précédente, tu te résous à lui baisser plutôt la tête, et tu passes aux aveux, lisant en sueurs ce qui n’a pas besoin d’être pertinent pour te rapprocher de ton prochain passage de grade, devant une audience qui pour apprendre comment faire ne rit même pas de tes blagues.
Chemin du retour. Le chauffeur cherche de nouveau son briquet.